Téléradiologie en France : où en sommes -nous ?

Apparue dans les années 2000 dans les pays anglo-saxons afin principalement de prendre en charge les urgences radiologiques, la téléradiologie occupe une place croissante depuis une quinzaine d’années, en particulier en France, dans un environnement numérique et législatif croissant. Mais si la télémédecine a rapidement connu un support réglementaire dès 2004 (loi « Kouchner ») jusqu’à la loi Hôpital, Patients, Santé et Territoires de 2009, la téléradiologie, qui n’est qu’une des composantes de la télémédecine, s’est développée hors de tout contrôle réglementaire spécifique.

Dès 2007, notre conseil national professionnel (G4) et l’ordre national des médecins (CNOM) cosignaient un premier guide pour le bon usage professionnel et déontologique de la téléradiologie. En 2008, la SFR faisait un communiqué s’inquiétant du risque potentiel de la téléradiologie pour les patients et du recours à la télétransmission d’images médicales vers des pays exotiques,

En 2009, le G4 publiait sa première charte de téléradiologie associée à un cahier des charges, concernant respectivement l’éthique et les bonnes pratiques en téléradiologie, suivis d’une seconde version en 2014 validée par le CNOM.

En parallèle se sont développées des sociétés commerciales de téléradiologie sur lesquelles s’est penchée en 2018 la commission informatique de la Fédération Nationale des Médecins Radiologues présidée par le Dr JC Delesalle dans le cadre de ses audits annuels. Ainsi ont pu être mises en évidence une multitude de dérives et d’effets délétères de la téléradiologie. Et c’est ainsi que le Dr JC Delesalle et le Pr Pierre Champsaur ont coordonné pour le G4 la rédaction d’une troisième version de la charte de téléradiologie, validée par l’ensemble des membres du G4 en décembre 2018, reprenant en un document unique les textes initiaux et en les adaptant aux constats mis en évidence par l’audit. Elle a en particulier insisté sur la nécessité d’une prise en charge prioritaire du patient sur un mode territorial, avec une subsidiarité de proche en proche vers le département voire la région, et en dernier recours vers une société de téléradiologie commerciale à portée nationale uniquement lorsque les ressources locales ne sont pas disponibles. Cette version a également été validée par le CNOM, et reprise par la Haute Autorité de Santé dans ses recommandations sur la téléimagerie.

Parmi les effets délétères de la téléradiologie, l’audit de 2018 avait mis en évidence :

    – d’une part une grande difficulté a l’inclusion dans les organisations, par les centres hospitaliers, demandeurs très majoritaires (90%), des radiologues libéraux du territoire, que n’améliore pas la mise en place des Groupement Hospitalier de Territoire,
    – d’autre part un dumping tarifaire avec distorsion de concurrence de certaines sociétés vis-à-vis des structures demandeuses, des intéressements à l’activité pour les radiologues effecteurs, des rédactions de contrats liant les différents intervenants avec des assimilations scabreuses (prestations de service pour l’acte de téléradiologie, clause d’exclusivité y compris au-delà de la période contractuelle),
    – mais aussi un reflux de l’activité programmée vers la permanence des soins avec les conséquences financières attenantes, une absence totale de contrôle de la pertinence de la demande, et plus grave encore, une déstructuration de l’offre radiologique avec des activités à temps partiel, choisi, intercalé, quand il n’est pas exclusif ce qui a pour effet d’aggraver la pénurie territoriale des radiologues tant dans les secteurs hospitalier que libéral. Le CNOM a également rappelé à plusieurs reprises que l’exercice exclusif de la téléradiologie était anti-déontologique.

Depuis, deux centrales d’achat hospitalières ont conclu des accords avec ces sociétés de téléradiologie, qui offriraient ainsi un « package » tout ficelé aux établissements hospitaliers demandeurs ; une société s’est même vanté de faire interpréter les examens dans des pays distants. L’usage conjoint de l’intelligence artificielle pourrait avoir également un effet facilitateur sur l’usage déconnecté de la téléradiologie sans le moindre contrôle humain.

Tel que présentée lors des dernières Journées Francophones de Radiologie 2021, après avoir réinterrogé tous les responsables des sociétés commerciales en question, il semble néanmoins que la publication de cette charte avait eu quelques effets positifs sur les pratiques : accompagnement de projet, formation des acteurs et webinaires, déplacements réguliers sur site, développement des comités qualité, suivi d’indicateurs, comptes rendus structurés, étude de la pertinence des demandes, revus par les pairs, certification ISO, intégration d’outils spécifiques notamment dans le cadre de la crise sanitaire Covid-19.

L’ensemble des structures de téléradiologie vont être réinterrogées par le G4 afin de leur demander si elles respectent la charte de téléradiologie du G4, et le cas échéant les dispositifs mis en œuvre pour la respecter.

Malgré tout, des organismes à but lucratif se sont créés en lien direct ou indirect avec ces sociétés commerciales de téléradiologie afin de racheter les cabinets médicaux et/ou de créer des installations « sauvages », y compris proches de site libéraux existants qui proposent déjà une offre de soins suffisante aux patients, y compris sans radiologue sur place. Cette dérive, tout comme l’exercice exclusif de la téléradiologie, ne sont pas acceptées par le G4 et pourraient faire l’objet de saisies de l’Ordre des médecins.

Les outils numériques comme la téléradiologie ne doivent pas dégrader les fondamentaux de notre pratique radiologique, et nous demeurerons attentifs au respect de la non activité exclusive de la téléradiologie, et à la présence physique de radiologues dans leurs différents sites d’activité pour accueillir physiquement les patients

Même si, pour l’instant, la charte de téléradiologie G4-CNOM n’est qu’une recommandation reprise par la HAS et depuis peu par l’Afnor, notre Conseil National
Professionnel de la radiologie sera très vigilant pour en assurer le respect. Nous souhaitons et militons pour que l’organisation de la téléradiologie via la charte fasse très vite l’objet d’une opposabilité législative et/ou réglementaire.

Le G4 associe toutes les composantes de la radiologie française :